Chapitre 54

 

Ils gagnèrent le cœur du palais et commencèrent leur descente vers les catacombes. Au début, les marches, en marbre, reflétaient l’élégance de rigueur dans tout le complexe. Elles devinrent bientôt de simples degrés de pierre usés par le temps. Ici, les servantes, qu’on croisait un peu partout à la « surface », brillaient par leur absence.

Les lambris remplacés par de simples murs de pierre, Richard dut parfois se pencher pour passer sous d’énormes poutres. En ces lieux, il n’y avait plus de lampes à huile, mais des torches disposées à d’assez grands intervalles.

Bientôt, les bruits déjà étouffés de la vie du palais moururent complètement.

— Qu’y a-t-il dans les catacombes ? demanda Richard.

— Les livres de prophéties… Les ouvrages d’histoire et les archives du palais y sont également stockés.

— Pourquoi ?

— C’est une mesure de sécurité. Les prophéties sont dangereuses pour les esprits mal exercés. Toutes les novices en étudient, mais seules quelques sœurs triées sur le volet ont le droit de les lire toutes. Elles forment les jeunes sorciers qui montrent des aptitudes pour l’étude de ces textes.

» Quelques hommes travaillent dans les catacombes, mais Warren est très particulier. C’est un peu le Jedidiah des sous-sols ! Un champion ! Tous les sorciers ont une spécialité. Nous t’aiderons à découvrir la tienne. Tant que ce ne sera pas fait, ta formation ne pourra pas aller très loin…

— Sœur Verna m’en a parlé. Selon vous, Pasha, quelle est ma spécialité ?

— Richard, quand nous sommes seuls, tu peux me tutoyer. Si tu es d’accord…

— Eh bien, pourquoi pas ? C’est plus… convivial.

— Pour répondre à ta question, c’est la personnalité du garçon qui nous sert de guide. Ceux qui aiment travailler avec leurs mains sont parfaits pour la fabrication des artefacts. Ceux qui ont tendance à aider les autres deviennent d’excellents guérisseurs. Tu vois l’idée ?

— Et que penses-tu de moi ?

— Nous n’avons jamais vu quelqu’un comme toi. Du coup, nous sommes dans le noir absolu. (Pasha sourit.) Mais ça ne durera pas.

Ils s’arrêtèrent devant une porte de pierre ronde – ouverte – aussi large que Richard était grand. Derrière, dans des salles creusées à même la roche, ils aperçurent une série d’antiques tables jonchées de livres et de rouleaux de parchemin. Les murs étaient couverts d’étagères qui s’étendaient à l’infini. Dans la pénombre que les lampes à huile peinaient à dissiper, deux femmes, assises à une table, lisaient et prenaient des notes à la lueur des chandelles posées près de leurs coudes.

— Que faites-vous ici, mon enfant ? demanda l’une d’elles en levant à peine les yeux.

— Nous venons voir Warren, ma sœur.

— Pourquoi ?

À cet instant, la Taupe sortit de l’ombre.

— Tout va bien, sœur Becky, je les ai priés de passer.

— La prochaine fois, n’oublie pas de nous prévenir…

— Oui, ma sœur, je n’y manquerai pas.

Warren se faufila entre ses deux visiteurs, leur prit le bras et les guida dans un labyrinthe d’étagères. Quand il s’avisa qu’il touchait Pasha, il retira sa main comme s’il s’était brûlé et s’empourpra jusqu’à la racine des cheveux.

— Vous êtes… sublime… Pasha, souffla-t-il.

— Merci, la Taupe… (La novice rougit à son tour et posa une main sur l’épaule du garçon.) Désolée, Warren… Je ne voulais pas te vexer. Ça m’a échappé…

— Il n’y a pas de mal, Pasha. Je sais qu’on me surnomme la Taupe. C’est sans doute péjoratif, mais je prends ça comme un compliment. Voyez-vous, une taupe sait trouver son chemin dans le noir alors que les autres y sont aveugles. C’est exactement ce que je fais : trouver des chemins là où les gens ne voient rien.

— Je suis contente que ça ne te fâche pas, fit Pasha, soulagée. Dis-moi, la Taupe, tu sais que Jedidiah s’est cassé une jambe dans un escalier ?

— C’est vrai ? Le Créateur a peut-être voulu lui apprendre qu’on ne voit pas où on met les pieds quand on marche avec le nez en l’air !

— Je doute que Jedidiah accorde beaucoup d’attention aux leçons du Créateur, dit Pasha. Il était si furieux qu’il a brûlé le tapis « coupable » de sa chute. Un très vieux tapis…

— C’est vous qui devriez être furieuse, pas lui. Il vous a dit des choses cruelles, et personne ne devrait se permettre ça.

— D’habitude, il est gentil avec moi. Et j’admets que j’avais l’air d’une souillon.

— Certaines personnes prennent ces livres pour des vieilleries sans intérêt. Mais c’est le contenu qui importe, pas la poussière sur la couverture.

— Hum… Merci, la Taupe… Si c’était un compliment.

Warren se tourna enfin vers Richard.

— Je me demandais si vous viendriez… La plupart des gens le promettent, mais on ne voit jamais le bout de leur nez. Venez avec moi. Pasha, j’ai peur que vous deviez attendre ici.

— Quoi ! cria la jeune femme en se penchant en avant. (Richard eut peur que son décolleté craque si elle ne se redressait pas très vite.) Je viens aussi !

— Pasha, gémit Warren, je dois l’amener dans une des salles du fond. Les novices n’y ont pas accès.

Au grand soulagement du Sourcier, Pasha se redressa et sourit.

— La Taupe, si les novices n’ont pas le droit d’y aller, comment un nouvel étudiant peut-il y être autorisé ?

— Il figure dans les prophéties ! Si les prophètes ont cru bon d’écrire sur lui, ils espéraient sûrement qu’il voie ces textes un jour.

Warren semblait bien plus assuré dans son royaume qu’à la surface. Apparemment, il ne céderait pas un pouce de terrain.

Mais quand Pasha lui reposa une main sur l’épaule, il sembla ne pas croire en sa bonne fortune.

— Warren, tu es la Taupe qui montre le chemin aux autres. Je suis responsable de Richard, donc c’est à moi de lui montrer le chemin. Le laisser aller quelque part seul, pour l’instant, reviendrait à négliger mon devoir. Je suis sûre que tu peux faire une exception pour moi. Warren, un effort… Nous devons aider Richard à comprendre, à travers la prophétie, comment il doit servir le Créateur. N’est-ce pas important ?

Warren demanda à ses compagnons d’attendre et alla parler à voix basse aux deux sœurs.

— Sœur Becky est d’accord, annonça-t-il en revenant. Pasha, je lui ai dit que vous compreniez un peu le haut d’haran. Si elle vous pose la question, confirmez-le-lui.

— Le haut quoi ? Warren, tu veux que je mente à une sœur ?

— Je suis sûr qu’elle ne vous posera pas la question…, éluda la Taupe. J’ai menti pour vous, Pasha, donc vous n’aurez pas à le faire…

— Warren, si on te surprend à raconter n’importe quoi sur des sujets pareils, tu sais ce qui arrivera ?

— Oui…

— Moi, je l’ignore, grogna Richard.

— Aucune importance, dit Warren. Allons-y !

Ils pressèrent le pas pour que leur guide ne les sème pas dans la pénombre. Après avoir slalomé entre des bibliothèques, ils arrivèrent devant un mur de pierre. Warren posa la main sur une plaque de métal, faisant coulisser une partie de la muraille. Derrière, ils découvrirent une petite salle meublée d’une table et de quelques étagères. Les quatre lampes qui y brillaient les éblouirent presque – par contraste.

Quand ils furent entrés, Warren toucha une autre plaque et le mur se referma sur eux comme la porte d’un tombeau. Ayant fait asseoir ses invités, il prit sur une étagère un livre relié de cuir et le posa délicatement devant Richard.

— Ne le touchez pas, dit-il. C’est un ouvrage très ancien et très fragile. Dernièrement, il a servi davantage que d’habitude. Je tournerai les pages…

— Qui le consulte ? demanda Richard.

— La Dame Abbesse, répondit Warren avec un petit sourire. Chaque fois qu’elle doit venir, ses deux terribles gardes du corps passent d’abord et font sortir tout le monde. Il faut vider les catacombes, pour que leur maîtresse soit tranquille. Et que personne ne sache ce qu’elle lit.

— Ses terribles gardes du corps ? demanda Pasha. Tu parles des deux sœurs qui défendent l’accès à son bureau ?

— Oui. Les sœurs Ulicia et Finella…

— Nous les avons vues aujourd’hui, intervint Richard. Elles ne m’ont pas paru si terribles que ça.

— Si vous les énervez, vous changerez d’avis, fit Warren. Elles vous paraîtront terriblement terribles, croyez-moi !

— Puisque vous n’étiez pas là, comment savez-vous qu’elle a lu ce livre-là et pas un autre ?

— Je le sais, répondit Warren. (Il baissa les yeux sur l’ouvrage.) Oui, je le sais… Elle est beaucoup venue dans cette pièce, ces derniers temps. Moi, je vis avec ces livres. Quand quelqu’un les touche, je m’en aperçois. Vous voyez cette trace, dans la poussière ? Ce n’est pas moi qui l’ai faite, mais la Dame Abbesse.

Warren souleva délicatement la couverture et tourna avec mille précautions les pages jaunies. Richard ne reconnut pas un mot, ni même une lettre. Mais sur une page, un dessin attira son attention, éveillant quelque chose dans sa mémoire.

Arrivé à l’endroit qu’il cherchait, Warren cessa de feuilleter l’ouvrage. Penché sur l’épaule du Sourcier, il désigna un paragraphe.

— Voilà la prophétie dont vous avez parlé… (Il fit le tour de la table et se plaça à la droite du Sourcier.) C’est l’original, de la main même du Prophète. De très rares personnes ont posé les yeux dessus. Vous comprenez le haut d’haran ?

— Non. Pour moi, ce sont des hiéroglyphes… Vous dites qu’il y a une polémique au sujet du sens de ces mots ?

— Et comment ! C’est une très vieille prophétie. Aussi ancienne que le palais, et peut-être davantage. Elle est en haut d’haran, comme tous les textes de cette salle. Très peu de gens comprennent cette langue…

— N’ayant lu que des traductions, dit Richard, ils ont des raisons de croire qu’elles ne sont pas précises.

— Vous avez tout compris ! En un éclair, vous avez saisi le problème, alors que la plupart des gens n’y parviennent jamais. Ils pensent qu’un mot, dans une langue, correspond forcément à un autre dans une langue différente. Quand ils traduisent, ils se livrent en fait à une interprétation, basée sur leurs a priori sémantiques, et fournissent une version qui peut s’éloigner ou non de la signification du texte.

— Ils ne tiennent pas compte des différentes possibilités, dit Richard. À la traduction, l’ambiguïté se perd forcément…

— Bravo ! C’est exactement ça ! Ensuite, ils se disputent au sujet des traductions, comme s’il y avait une seule bonne façon de procéder. Mais avec le haut d’haran…

Warren n’acheva pas sa phrase. Richard étudia la page, comme aspiré par les illustrations. Et on eût dit que les mots lui murmuraient une douce litanie à l’oreille. C’était la première fois qu’il voyait ces phrases. Pourtant, elles résonnaient au plus profond de lui.

Le Sourcier tendit lentement une main, attirée par un mot en particulier. Son index s’y posa comme de lui-même.

— Celui-là…, souffla-t-il, comme en transe.

Les pleins et les déliés des lettres semblèrent s’enrouler autour de son doigt, le caressant comme si elles étaient vivantes.

L’image de l’Épée de Vérité flotta soudain devant ses yeux.

— Drauka…, souffla Warren, impressionné. Ce mot est au cœur de la polémique. Fuer grissa ost drauka : le messager de la mort.

— Où est le problème ? demanda Pasha. Tu penses que cette expression pourrait se traduire différemment ?

— Eh bien… Oui et non. C’est la traduction littérale. Mais personne n’est d’accord sur le sens…

Richard recula sa main et bannit de son esprit l’image de l’Épée de Vérité.

— Le mot « messager » peut s’entendre de plusieurs façons. Celui qui parle pour la mort, ou celui qui l’apporte aux autres. Moi, je lui ai toujours donné le deuxième sens. « Mort » aussi se comprend de plusieurs façons.

— C’est ça, oui ! s’enthousiasma Warren. Vous avez tout saisi !

— La mort, c’est la mort, rien de plus ou de moins, dit Pasha.

— Non, déclara Warren. Pas en haut d’haran. L’arme que portent les sœurs – le dacra – tire son nom de ce terme. Drauka peut vouloir dire « mort » comme dans la phrase : « Le mriswith que Richard a tué est mort. » Mais il signifie aussi « l’esprit des morts ».

— Doit-on comprendre que drauka, dans cette acception, veut dire « le messager des âmes » ?

— Non, souffla Richard. Des esprits… Le messager des esprits…

— Oui, confirma Warren. C’est la deuxième interprétation possible.

— Et combien y en a-t-il en tout ? demanda Pasha.

Trois, pensa Richard.

— Trois, répondit Warren.

— Le royaume des morts, dit Richard. L’endroit où sont les morts. C’est le troisième sens du mot drauka.

— Et vous prétendez ne pas connaître le haut d’haran ? souffla Warren, blanc comme un linge. (Richard confirma d’un hochement de tête.) Ne me dites pas que vous avez du sang d’haran ?

— Darken Rahl était mon père… Le sorcier qui régnait sur D’Hara. Avant lui, Panis, mon grand-père, tenait les rênes du pouvoir.

— Par le Créateur ! s’écria Warren.

— Royaume des morts ? répéta Pasha. Le messager du royaume des morts ? C’est admissible dans le premier sens que Richard donne au mot « messager ». Mais avec le deuxième ? Comment peut-on « apporter » le royaume des morts ?

— Il suffit de déchirer le voile, lâcha Richard.

— D’après ce qu’on ma enseigné, dit Pasha, quand un mot étranger, dans une prophétie, a plusieurs sens possibles, il faut se fier au contexte pour faire son choix. Dans le cas qui nous occupe…

— … la discussion peut être infinie, coupa Warren. Dans cette prophétie, la notion de « messager », éventuellement double, s’applique au mot drauka, qui a trois sens possibles. La manière dont on combine ces termes change radicalement le sens du texte. Aucune interprétation n’est incontestable. C’est comme un chien qui court après sa queue : plus il s’acharne, et plus il tourne en rond.

» Pour le premier mot, « messager », je partage l’analyse de Richard. Pour le deuxième, je nage complètement. Si j’avais la solution, je serais en mesure de déchiffrer la prophétie. Un exploit que personne n’a réalisé en trois mille ans !

— Hélas, fit Richard en se levant, les énigmes ne sont pas mon fort. Mais je promets d’y réfléchir…

— Vraiment ? s’écria Warren. Si vous m’aidiez, je vous en serais éternellement reconnaissant !

— Je jure de faire de mon mieux.

— Eh bien, dit Pasha en se levant à son tour, je crois que nous devrions passer à la première leçon de Richard. Il se fait tard…

— Merci d’être venus, mes amis. J’ai si peu de visiteurs…

Ils se dirigèrent vers la porte, Pasha en tête.

Le mur coulissa. Dès que la novice fut sortie, Richard posa la main droite sur la plaque de métal.

La cloison mobile se referma. De l’autre côté, Pasha tambourina sur la pierre en criant aux deux hommes de lui ouvrir. Quand le mur se fut totalement refermé, ils n’entendirent plus sa voix.

— Comment avez-vous fait ça ? s’exclama Warren. Un néophyte ne devrait pas pouvoir agir sur la plaque de métal avec son Han !

N’ayant pas de réponse à cette question, Richard l’ignora.

— Warren, dis-moi – tu veux bien que nous nous tutoyions ? – ce que les sœurs t’infligeraient si elles savaient que tu leur mens ?

La Taupe porta les mains à son collier.

— Elles me feraient souffrir.

— Avec le Rada Han ?

— Oui.

— Font-elles ça souvent ?

— Non. Mais pour devenir un sorcier, il faut passer une épreuve de douleur. Les sœurs nous torturent de temps en temps, pour voir si nous sommes assez fermés pour la réussir.

— Et comment la réussit-on ?

— Je suppose qu’il faut subir la souffrance sans les supplier d’arrêter. Mais elles ne m’ont rien révélé de précis. (Il se décomposa.) Je n’ai jamais pu ne pas craquer. Dès qu’on supporte un certain niveau de douleur, elles augmentent la dose.

— Je pensais bien qu’il s’agissait d’un truc dans ce genre… Merci de tes informations… (Richard se gratta la barbe.) Warren, j’ai besoin de ton aide.

La Taupe essuya du revers de la manche ses yeux embués.

— Comment pourrais-je vous… hum… t’aider ?

— Les prophéties à mon sujet… Je voudrais que tu les étudies toutes. Plus celles qui parlent des Tours de la Perdition et de la vallée des Ames Perdues. J’ai aussi besoin de savoir le plus de choses possibles au sujet du voile. (Richard désigna le livre, toujours posé sur la table.) J’ai remarqué un dessin, quelques pages avant celle de la prophétie. Un objet en forme de larme. Tu sais ce que c’est ?

Warren approcha de la table et feuilleta l’ouvrage à l’envers.

— Tu parles de ça ?

— Oui…

Richard avait remarqué cette pierre au cou de Rachel, dans sa vision, au cœur de la vallée des Ames Perdues. L’image de Zedd s’imposa à son esprit et son pouls s’accéléra.

— C’est ça, oui. La gemme que j’ai vue ressemblait à ça.

— La Pierre des Larmes… Tu l’as vue, dis-tu ?

— Qu’est-ce que la Pierre des Larmes ?

— Eh bien, je n’en suis pas très sûr… Mais si drauka a un rapport avec le royaume des morts, je suppose que la pierre est liée au voile. Tu dis l’avoir vue ?

Pour la deuxième fois, Richard ignora la question.

— Warren, je dois aussi avoir des informations sur la Pierre des Larmes, et sur les gens qui vivaient jadis dans la vallée des Ames Perdues. Ce sont les Baka Ban Mana. Ceux qui n’ont pas de maître… Renseigne-toi également sur un personnage nommé le Caharin.

— C’est une énorme masse de travail.

— M’aideras-tu, Warren ?

— À une condition… Je ne sors presque jamais des catacombes. Bien sûr, j’aime étudier les prophéties, mais les gens croient que je ne m’intéresse à rien d’autre. En réalité, j’adorerais voir ce qu’il y a hors du palais : les bois, les collines…

» Malheureusement, je suis agoraphobe… Le ciel est si grand… C’est aussi pour ça que je reste ici, où je me sens en sécurité. Mais j’en ai assez de vivre comme une taupe ! Si je t’aide, me montreras-tu le monde extérieur ? Tu as l’air de bien connaître la nature. Avec toi, je n’aurai pas peur.

— Tu t’adresses à la bonne personne, fit Richard en souriant. Avant… tout ça… j’étais guide forestier. Je ne connais pas encore parfaitement les environs, mais j’ai l’intention de combler cette lacune. Te servir de guide me rappellera les jours heureux.

— Merci, Richard ! J’attends ça depuis si longtemps ! Un homme a besoin d’un peu d’aventure dans sa vie. Je vais faire tes recherches, mais les sœurs m’accablent de travail, et je devrai m’y consacrer à mes moments perdus. Mon ami, je crains que ce soit très long. Il y a des milliers de livres, et il me faudra des mois pour commencer à avoir des résultats.

— Warren, ce seront les recherches les plus importantes de ta vie ! Ne peux-tu pas gagner du temps en attaquant par ce que la Dame Abbesse a lu ?

— Et tu prétends ne pas être bon pour les énigmes ? C’est exactement la méthode que j’envisageais. Mais pourquoi veux-tu savoir toutes ces choses ?

— Je suis fuer grissa ost drauka, Warren. Et je sais ce que cette expression veut dire.

La Taupe saisit le bras de Richard.

— Tu connais la bonne traduction ? Vraiment ? Et tu accepterais de me la révéler ?

— Si tu promets, pour l’instant, de ne le répéter à personne. (La Taupe hocha frénétiquement la tête.) Nul n’a pu dire laquelle des trois versions est la bonne parce que tenter d’en imposer une annule les trois. (Warren plissa le front.) Elles sont toutes bonnes, mon ami.

— Quoi ? Comment est-ce possible ?

— J’ai tué des gens avec mon épée. En ce sens, je suis le messager de la mort. Tout bêtement, si j’ose dire… Mais pour vaincre alors que tout était contre moi, comme face au mriswith, j’ai demandé à la magie de l’arme d’invoquer les esprits de tous les sorciers de l’histoire. Je suis donc aussi le messager des esprits…

» Quant à la troisième version, j’ai des raisons de croire que je déchirerai le voile. Donc, me voilà aussi le messager du royaume des morts. Tu vois, la boucle est bouclée. Warren en resta bouche bée.

— Les informations que je te demande sont vitales. Et je crains de n’avoir pas beaucoup de temps.

— J’essaierai de te satisfaire… Mais je crois que tu me surestimes.

— Un homme capable de casser une jambe à Jedidiah m’inspire une confiance aveugle.

— Je n’ai rien fait à Jedidiah ! C’est un puissant sorcier, et je ne me frotterais pas à lui pour un empire.

— Ne me raconte pas d’histoires, Warren ! Je vois un peu de cendres du tapis sur ton épaule.

— C’est faux ! se défendit la Taupe en brossant frénétiquement sa tunique. Je ne vois pas de cendres !

— Alors, pourquoi te frottes-tu l’épaule ?

— Eh bien, c’est juste que…

— Ne t’en fais pas, mon vieux, je crois à la justice immanente. Jedidiah a eu ce qu’il méritait. Je ne dirai rien à personne. Toi, tu garderas secrète notre conversation.

— Richard, il faut que je ce prévienne : tu as pris de grands risques, hier, en disant devant les sœurs que tu es le messager de la mort. Cette prophétie est très connue et on en débat beaucoup au palais. Certaines sœurs croiront que tu es condamné à tuer, et elles tenteront de te réconforter. D’autres penseront que tu peux invoquer les esprits, et elles voudront t’étudier comme un insecte rare. D’autres, enfin, concluront que tu vas déchirer le voile pour livrer les vivants à Celui Qui N’A Pas De Nom. Celles-là tenteront de t’éliminer.

— Je sais, Warren…

— Alors, pourquoi leur avoir révélé que tu étais l’homme de la prophétie ?

— Parce que je suis fuer grissa ost drauka. Quand l’heure sera venue, je tuerai toutes les sœurs pour être débarrassé de ce collier. Les avertir était loyal, car ça leur donne une chance d’éviter un massacre.

— Mais… mais… tu ne ferais pas de mal à Pasha ?

— J’espère ne blesser personne, Warren. Avec les informations que tu me fourniras, ce sera peut-être possible. Je déteste être fuer grissa ost drauka, mais c’est mon destin.

— S’il te plaît, pas Pasha…

— Warren, je l’aime beaucoup. Elle est très jolie « à l’intérieur », comme tu l’as dit. Je tue uniquement pour me protéger ou défendre des innocents. Je doute que Pasha me donne un jour une raison de lui nuire. Mais si le voile est déchiré, il y a beaucoup plus en jeu que la vie d’une seule personne. Que ce soit la mienne, la tienne… ou celle de Pasha.

— J’ai lu les prophéties… et je comprends. Je me chargerai de ces recherches pour toi.

— Tout ira bien, Warren. Je suis le Sourcier et je ferai de mon mieux pour ne blesser personne.

— Le Sourcier ? Qu’est-ce que…

— Je te le dirai plus tard, fit Richard en appuyant sur la plaque de métal.

— Comment réussis-tu ça ? demanda de nouveau Warren pendant que le mur coulissait.

Pasha les attendait de l’autre côté, concentrée pour ne pas laisser voir sa colère.

— Qu’avez-vous fait ? lança-t-elle.

— Un bavardage entre garçons…, répondit Richard.

— Que veux-tu dire par là ?

— Je harcelais Warren pour qu’il me parle de l’épreuve de souffrance. Tu as omis de m’éclairer à ce sujet, alors je lui ai posé la question. Peut-être attendais-tu de me faire la surprise ?

— Ce n’est pas de mon ressort, Richard. Les sœurs se chargent de ce genre de choses.

— Alors, pourquoi ne m’en as-tu pas parlé ?

— Je déteste voir les gens souffrir, et je ne voulais pas t’inquiéter avec un stade de ta formation que tu n’atteindras pas avant longtemps. Parfois, l’angoisse est pire que la réalité. Tu risquais de vivre dans la peur…

— Pasha, c’est une explication très convaincante. Excuse-moi d’avoir pensé du mal de toi.

— C’est oublié… Prêt pour notre leçon ?

Revenus à la surface, ils passèrent de bâtiment en bâtiment pour gagner le pavillon Gillaume, où se trouvaient les appartements de Richard.

Le fief des Sœurs de la Lumière était fort impressionnant, mais il n’arrivait pas à la cheville du Palais du Peuple de D’Hara. Sans cette première expérience, Richard aurait été intimidé par l’opulence des lieux. Là, il se contenta de noter leur configuration, à toutes fins utiles.

Dans le couloir qui menait à ses quartiers, ils croisèrent plusieurs jeunes porteurs de Rada’Han.

Devant sa porte, Richard saisit le poignet de Pasha pour l’empêcher d’ouvrir.

— Il y a quelqu’un à l’intérieur, souffla-t-il.

La pierre des larmes - Tome 2
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